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La montagne et la souris

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Au pire, des procès-fleuves, au mieux, des débats enflammés. Au-delà de ces empoignades dans les prétoires ou dans les travées d’un hémicycle, ce sont aussi les drames humains qui secouent les consciences, de ceux qui marquent au fer rouge des familles et, in fine, la société civile tout entière. Depuis le scandale des « Monsanto Papers », ces documents qui ont révélé en 2017 les pratiques déloyales de la firme américaine pour défendre son produit phare, au cas de Théo, cet adolescent français né avec de graves malformations du larynx et de l’œsophage qui ont été tout récemment officiellement attribuées à l’exposition de sa mère à des pesticides (et non du glyphosate en particulier), le glyphosate génère toujours autant de réactions épidermiques dont la virulence est souvent encouragée par certains politiques et médias.

Son homologation échoit le 15 décembre prochain. Le 13 octobre dernier, les États membres réunis au sein du ScoPAFF (Comité Permanent des Végétaux, des Animaux, des Denrées alimentaires et des Aliments pour animaux) ont finalement décidé… de ne pas décider malgré l’avis de la commission qui avaient encouragé les experts à renouveler l’autorisation du glyphosate jusqu’en 2033. Un feu vert que l’Exécutif européen avait motivé par le récent rapport favorable de l’agence européenne de la sécurité des aliments (Efsa).

Finalement donc, pas de discussions homériques, point de claquements de portes, aucune fâcherie. La montagne aura bel et bien accouché d’une souris. La France avait déjà laissé entendre, voici plusieurs semaines, que le texte manquait, à ses yeux, de mesures de gestions des risques obligatoires, notamment sur l’utilisation des méthodes alternatives de désherbage. Elle avait aussi demandé à l’Exécutif européen de réduire la durée du renouvellement à sept ans. Sans surprise, nos voisins se sont donc abstenus, tout comme l’Allemagne (dont l’accord gouvernemental de coalition prévoit d’interdire le glyphosate en 2024), la Bulgarie, Malte, et les Pays-Bas, tandis que l’Autriche, la Croatie et le Luxembourg ont voté contre.

Faute d’accord en interne au sein de son propre gouvernement, écologistes et socialistes s’étant prononcé contre la réautorisation du glyphosate, la Belgique a dû s’abstenir, au grand dam du ministre David Clarinval, favorable à la reconduction de dix années supplémentaires du produit. « Je me base sur la science et non sur les idéologies et les émotions, sans compter qu’il n’existe aucune alternative crédible et sérieuse pour nos agriculteurs » a-t-il justifié.

Sauf rebondissement de dernière minute, la position de notre pays ne devrait pas changer lors du prochain vote lors du comité d’appel, lequel interviendra durant la première quinzaine du mois de novembre.

En attendant, chez les agriculteurs la crainte grandit de voir les coûts de production augmenter, et le rendement de l’exploitation diminuer...

Marie-France Vienne

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