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Réchauffement commercial

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Défense du climat et négociations commerciales dans le cadre de l’accord de libre-échange avec les pays du Mercosur, vieux serpent de mer s’il en est, sont a priori antinomiques. A priori donc. C’est un peu comme aller vivre en Théorie, ce pays où tout va bien.

Car en pratique, la COP28 à Dubaï (qui se déroule du 30 novembre au 12 décembre) est déjà en soi une incongruité quand on sait que cet état opulent tire la majeure partie de ses revenus de l’exploitation des hydrocarbures. On osera aussi pointer le bilan désastreux de l’Émirat en matière de droits humains. Cela n’a pourtant jamais semblé émouvoir la présidente de la commission, Ursula von der Leyen, qui a fait de la conclusion de cet accord décrié au sein même des États membres, l’une de ses priorités. L’Espagne, l’Allemagne, l’Italie ou les Scandinaves, sont pressés de conclure tandis que la Belgique, la France, l’Irlande ou encore l’Autriche ont marqué leur inquiétude notamment pour leur secteur agricole respectif.

Au parlement européen, le sujet était d’ailleurs à l’ordre du jour de la réunion de la commission de l’Agriculture du 28 novembre dernier. Ce fut l’occasion pour un grand nombre de ses membres de rappeler leurs préoccupations et leur souhait de voir l’inclusion de mesures de réciprocité dans le texte ; en gros, pour éviter que ne débarquent dans nos assiettes du bœuf élevé en feedlot ou du maïs traité à l’atrazine. Il faut dire que du côté de l’Exécutif, l’accord avec le Mercosur est devenu une priorité. Son aboutissement revêt même une dimension existentielle pour Ursula von der Leyen pour qui la rupture à la dernière minute des pourparlers avec l’Australie, il y a quelques semaines, a été un échec cuisant.

Du côté sud-américain, le président Lula pousse lui aussi pour aboutir avant la fin de la présidence brésilienne du Mercosur, qui s’achève au moment où vous lirez ces lignes, ce qui n’est pas le cas de tous ses partenaires. Il va aussi falloir compter sur la récente élection du populiste d’extrême droite Javier Milei en Argentine, qui doit entrer en fonction le 10 décembre. Ce (dangereux) nouveau venu sur la scène politique avait déclaré dans le cadre de sa campagne électorale durant laquelle, en passant, il aura encensé la dictature militaire de Jorge Videla (entre 1976 et 1982) et traité le pape François de diable… vouloir faire sortir son pays du Mercosur ! Une saillie que n’aura guère goûtée le président paraguayen Santiago Pena. À l’en croire, « plus le Mercosur pousse, moins il y a d’intérêt du côté de l’Union européenne ». Et pourtant. En l’absence de traité avec les États-Unis (le fameux TTIP qui devait constituer la plus grande zone de libre-échange du monde), un vide au niveau de l’Amérique du sud pourrait ouvrir la voie à la Chine qui ne se fera pas prier pour investir la place. On comprend donc mieux les velléités de la commission de boucler cet accord au plus vite.

Au mépris du secteur agricole ? Cela n’aura échappé à personne que l’agriculture n’a plus la cote dans les négociations si tant est qu’elle l’ait jamais eue un jour.

Marie-France Vienne

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